Suite française. Tempête en juin

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Suite française. Tempête en juin

La tourmente avait pulvérisé tous les repères. Ce qu’Irène Némirovsky a perçu, en juin 1940, dans l’effondrement et l’exode de tout un peuple, c’est « partout, de haut en bas, le désordre, la lâcheté, la vanité, l’ignorance ». Elle en a tiré à chaud, à vif, à rebours de l’air du temps, le fascinant tableau d’une débâcle vécue jusqu’à la lie. On connaît l’histoire hors norme de Suite française : le destin de la romancière, déportée et morte à Auschwitz en août 1942, puis, soixante ans plus tard, la découverte du manuscrit, couronné par le prix Renaudot en 2004, et bientôt triomphe mondial. Perdure, à la (re)lecture, la minutieuse véracité du récit, la subtilité de sa composition chorale. En adaptant le premier volet du roman, Tempête en juin, Emmanuel Moynot taille par force dans le texte, tout en se coulant dans son rythme quasi cinématographique et en mettant judicieusement à nu les ressorts d’un théâtre humain où les personnages sont silhouettés en grands bourgeois bien-pensants (les Péricand), banquier cynique (Corbin) ou écrivain méprisant « la plèbe » (Corte) : tels qu’Irène Némirovsky les a décrits, plus vrais que nature, mais déjouant les archétypes grâce à un art du portrait gravé à l’ironie acide.

Tout se passe comme si le dessinateur (lui préfère dire « auteur de récits ») s’élançait avec les protagonistes sur la route de l’exode. Il croque en direct les péripéties et capte, en état d’alerte permanent, les signes d’un désarroi, d’une bêtise ou d’une suffisance très partagés. Ce trait vif, comme lâché dans l’urgence de la situation, décape plus qu’il n’illustre. Au printemps 1942, Irène Némirovsky disait « sculpter l’instantané ». Emmanuel Moynot lui fait écho, en toute fidélité. — Jean-Claude Loiseau

 

Ed. Denoël Graphic, 220 p., 23,50 €.

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