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Yann et Schwartz: « Avec « Gringos Locos », nous voulons remettre Jijé sur le devant de la scène »

14 mai 2012 |

gringos_introGringos Locos, ou l’aventure de Jijé, Franquin et Morris sur le continent américain en 1948, est enfin sorti ! L’album, écrit par Yann et dessiné par Olivier Schwartz, avait vu sa publication suspendue en janvier dernier, suite au blocage des ayants droit des auteurs mis en scène, visiblement peu satisfaits de ce récit aux allures de road movie comique — pourtant un bel hommage à ces grands noms de la BD franco-belge. Le livre est finalement paru, enrichi d’un fascicule en forme de « droit de réponse ». Rencontre avec les auteurs de Gringos Locos, bien décidés à poursuivre l’aventure.

gringos_adieuPourquoi avoir choisi de raconter cet épisode de la vie de mythes de la BD ?
Olivier Schwartz: Tous les dessinateurs et ceux qui s’intéressent de près ou de loin à ce style de BD franco-belge connaissent cette histoire. Mais tout seul, je ne me serai jamais lancé. Heureusement, après Le Groom vert-de-gris, Yann m’a proposé de m’attaquer à ce panthéon.
Yann: J’ai travaillé avec Franquin et Morris, j’étais souvent branché sur cette époque car ils en parlaient souvent. J’ai tanné Franquin pour qu’il fasse la BD avec moi, ç’aurait été la classe ! Mais son style avait trop évolué, était devenu trop moderne et n’aurait pas collé avec l’histoire. Cela fait 30 ans que je traîne cette idée !

gringos_disneyOlivier, avez-vous dû faire évoluer votre trait pour coller à cette époque ?
O.S.: Je n’ai pas eu à beaucoup me forcer. Je baigne tout le temps dans les années 1940, dans leur style graphique ; j’adore les films de cette époque, par exemple. D’ailleurs, je gonfle toute ma famille avec ça ! Et j’admire tous les auteurs de BD des années 30-40, les Américains comme Will Eisner et Milton Caniff notamment.

Qu’est-ce qui vous séduit particulièrement chez les trois auteurs héros de Gringos Locos ?
Y.: C’est la candeur et l’innocence de la BD de cette époque-là, qui s’adressait surtout aux gamins. Il s’agit d’un voyage bricolé: ils vivent comme des bohémiens, embarquent avec eux des enfants d’âge scolaire pour un autre continent… Beaucoup de gens seraient-ils capables de faire ça aujourd’hui ? J’ai lu les souvenirs d’Annie Gillain [la femme de Jijé], c’était vraiment une vie de bohème. Ce qui m’étonne, c’est que Jijé soit arrivé à convaincre son épouse de partir avec tous leurs enfants. Il est quand même resté deux ans aux Etats-Unis, et Morris six ans ! C’est d’ailleurs là-bas que Morris a rencontré René Goscinny. Ce dernier apparaîtra dans le deuxième tome de Gringos Locos, intitulé Crazy Belgians.

gringos_guerreAvez-vous déjà commencé à travailler sur ce nouveau volume ?
O.S.: Nous avons fait sept pages, mais nous nous sommes interrompus pour avancer sur la suite du Groom vert-de-gris. C’est difficile de suspendre un travail en plein milieu, j’étais en pleine immersion dans la documentation.

Ce voyage a-t-il eu des influences sur la BD franco-belge ?
Y.: C’est ce que nous comptons développer dans le tome 2. Franquin, Morris et Jijé ont fait une rencontre avec la BD adulte américaine, avec les comics.
O.S.: Les trois complices ont aussi découvert l’humour juif new-yorkais, le ton humoristique et parodique.

Que représentaient les États-Unis pour des auteurs européens à l’époque ?
O.S.: Il y avait la même différence entre les BD européenne et américaine qu’entre le Coca Cola et la chicorée Leroux. La modernité était en marche.
Y.: Ils avaient la télé, d’énormes voitures et tout était en couleur, même les robes des femmes. C’était un peu l’Eldorado. Il y a d’ailleurs une anecdote assez connue de Morris qui, après avoir atterri en Europe, trouvait que tout était moche, gris et petit, même les voitures. Pour Jijé, sa volonté de partir tenait à autre chose. Il ne l’avait pas dit à Franquin et Morris, mais il avait la trouille de la Troisième Guerre mondiale et pensait que les États-Unis étaient plus sûrs. Il est rentré en Europe parce qu’il n’avait pas trouvé de travail à sa mesure.

gringos_luckyEt pour vous, que représentent les Etats-Unis ?
Y.: C’est l’Amérique de l’époque qui m’intéresse, celle des années 1940.
O.S.: Je ne pense pas qu’elle ait perdu tant que ça son pouvoir de séduction.

Comment procédez-vous pour écrire l’histoire ?
Y.: Je n’écris jamais de scénario, mais un fil conducteur, avec un découpage des anecdotes en séquences — que je fournis au dessinateur au fur et à mesure. Je réagis aussi en fonction de son dessin : je change le décor ou supprime un personnage s’il n’est pas à l’aise avec. De toute façon, c’est de la fiction, on ne sait pas exactement où se sont déroulés les épisodes de ce voyage.

Comment avez-vous reconstitué ce périple, alors ?
gringos_gastonY.: Le fil conducteur, c’est le voyage. Je réunis toutes les anecdotes que j’ai récoltées, les déplace ou les associe pour leur donner plus de force. C’est ce que font tous les scénaristes, au cinéma notamment. C’est aussi là-dessus qu’on nous a attaqués. Mais notre album est une fiction, même si nous essayons de nous rapprocher de la réalité. C’est pareil pour les auteurs, nous avons choisi la caractérisation humoristique des personnages, en forçant les traits.
O.S.: Pour dessiner Jijé, je suis parti d’une image de Chaland qui avait dessiné une biographie de Jijé en sept pages. Cette image évoquait le voyage et Jijé avait déjà un mouchoir noué sur la tête.

gringos_danseVous avez aussi discuté avec les descendants des auteurs, et Franquin et Morris vous avaient déjà raconté leurs souvenirs.
Y.: Oui, Franquin et Morris m’ont beaucoup raconté leur voyage. La fille de Franquin, que j’ai rencontrée avant de commencer à écrire, ne connaissait d’ailleurs pas tous ces détails. Francine, la femme de Morris, est une très vieille dame, nous échangeons des lettres autour de ce voyage. Par elle, j’en apprends tous les jours. Elle m’a notamment raconté une séance de patins à glace à Central Park à New York ; c’est très visuel et je vais l’intégrer au deuxième album.
O.S.: Pour ma part, je n’ai vu personne avant de commencer à dessiner. J’ai eu le tort de ne pas m’en mêler.
Y.: J’ai rencontré Philippe Gillain, l’un des trois fils de Jijé, à Bruxelles. Je lui ai posé beaucoup de questions, même s’il ne se rappelait pas de grand-chose. J’ai eu des échanges écrits avec Benoît Gillain. Malgré ces rencontres et discussions, ils se sentent trahis. Il aurait fallu que nous fassions quelque chose de chronologique et linéaire pour qu’ils s’y retrouvent.
O.S.: Je craignais que la femme de Morris réagisse mal à l’album. Les Gillain, pour moi, ce sont des amis, j’ai été très étonné de leur réaction. Leur attitude a été paradoxale, ils ont voulu parler mais sans tout dire. Par exemple, les photos qui se trouvent dans le fascicule ajouté à la fin de l’album par les familles ne m’ont pas du tout été communiquées avant que j’attaque le dessin. Pour ma part, j’aurais trouvé suffisant de conclure l’album par une photo des héros, comme dans une BD de Lucky Luke…

gringos_annieAvez-vous trouvé la polémique autour de Gringos Locos stérile ?
O.S.: Stérile, oui et non. Ces cinq mois de tourments ont mine de rien fait de la publicité à l’album, même si on ne l’a pas cherché. On va davantage parler de Jijé car il était au centre de la polémique. Franquin et Morris sont déjà très connus, mais Jijé, qui était le grand maître de Giraud/Moebius, va revenir sur le devant de la scène. Dans le fond, c’est ce qu’on voulait — et sûrement ses enfants aussi: lui rendre honneur.

Quels sont vos projets ?
O.S.: Réaliser la BD La Motte, l’histoire d’un super-héros décalé, une sorte de Golum de beurre. Avec Yann, nous avons un autre projet en commun, autour d’une agence de détectives. Et bien sûr les suites du Groom vert-de-gris et de Gringos locos !

Propos recueillis par Eloïse Fagard

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Gringos Locos.
Par Olivier Schwartz et Yann.
Dupuis, 14,95 €, le 4 mai 2012.

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Images © Yann/Schwartz/Dupuis – Photo © Eloïse Fagard pour BoDoï.

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