samedi 17 octobre 2009

Soirée-débat du 23 septembre à Saint Merry

Comment être chrétien dans un monde qui ne l’est plus ?
Quel message l’Eglise peut-elle encore adresser au monde ?
avec la participation d’Olivier Le Gendre et Laurent Villemin
Débat animé par Pietro Pisarra

Des mots-clés

Théologie :

La théologie passe au dessus de la tête des gens.

Comment rendre crédible un message décrédibilisé ? Ce n’est pas la théologie qui va toucher le monde, il faut trouver autre chose… Le monde ne veut plus de notre enseignement, il faudrait que nous comprenions pourquoi, nous n’avons pas été à la hauteur, comment en tirer les leçons ? Il faut être à l’écoute du monde pour comprendre ce qu’il attend de nous…

La question n’est pas quelle est la bonne théologie, mais qu’est ce qui va me donner la vie, qu’est ce qui va me faire bouger ? Beaucoup de gens vivent les valeurs de l’Evangile, quelles spécificités apportent la Croix et la Résurrection ? La foi est d’abord un chemin de conversion…

La théologie ne convertira pas le monde, mais il faut honorer cet effort de pensée qui nous aidera à faire tomber les barrières face à l’évangile.

Peur :

La peur vient de loin… Le livre [Confession d’un cardinal d’Olivier Le Gendre] analyse les 800 dernières années pour comprendre ce qui s’est passé. Il n’y a jamais eu d’âge d’or auquel il faudrait revenir. Vatican II ne se réduit pas à une somme de textes, mais ce fut un événement. Après les années 1950 marquées, comme aujourd’hui, par la peur (condamnation des prêtres-ouvriers, condamnation de théologiens), ce fut un renversement complet : l’Eglise a été saisie par l’Esprit, elle est passée de la peur à l’espérance, dans une écoute forte du monde… C’était l’aboutissement d’un long travail : les mouvements bibliques, les mouvements de laïcs…

Le monde a peur, l’Eglise a peur…

Il faut dénoncer la peur pour en sortir. L’histoire de l’élection de Benoit XVI, c’est bien la peur. C’est la peur des responsables de l’Eglise qui voient le terrain s’effriter et qui ne savent comment faire. Les laïcs aussi ont peur ; celle de la plupart des évêques est énorme.

Seule la foi nous permettra de sortir de la peur…

Eglise / Evêques :

Jean Paul II cité par le cardinal [Confession d’un cardinal d’Olivier Le Gendre] : « Le monde n’a pas de gouvernement et d’outil pour résoudre les grands enjeux auxquels il est confronté. Si l’Eglise se crispe sur ses problèmes internes, elle va louper cette occasion d’aider par la pensée et l’action à cette organisation qui pourraient permettre de sauver le monde… »

Les synodes ne produisent rien…

Aujourd’hui, contrairement à d’autres époques, la haute hiérarchie de l’église est à 99 % « impeccable » mais ça n’empêche pas les gens de la quitter : l’Eglise ne les aide pas à vivre.
On quitte un système sans savoir où on va. Après la levée des excommunications par Benoit XVI, et la publication du motu proprio (autorisation des messes selon le rite de St Pie V), 30% des évêques français étaient prêts à donner leur démission. La volonté d’unité et d’éviter toute dissension dans l’Eglise conduit à la pétrification…

Nos évêques sont tétanisés… Ils sont pris entre leur désir de solidarité et de fidélité à l’institution et ce qui se passe dans leur communauté chrétienne… Nombre de noms proposés par les nonces refusent, c’est un métier d’enfer.

Les groupes chrétiens sont très différents. Il faut laisser fleurir les initiatives. Réglementer conduit à arracher à la fois le bon grain et l’ivraie… L’évêque doit d’abord permettre les initiatives et la rencontre…

L’expression dans l’Eglise : une minorité qui fait la loi, une majorité silencieuse… L’urgence n’est pas d’aller vers l’unité, cela peut aller contre l’Evangile, même si l’unité doit rester notre horizon.

Chez les évêques, l’éthique de responsabilité étouffe l’éthique de conviction : ils ne bougent plus ! Nous sommes tous pris dans ce piège : qu’est-ce que je peux dire, jusqu’où je vais ?

Effondrement des structures :

On n’évitera pas un effondrement de masse des structures ecclésiales : il faut en prendre acte, sans peur.


Des pistes pour l’avenir

Les fondamentaux : la charité, l’attention aux autres, en communauté :

Ce qui est fondamental, le cœur du message chrétien, c’est 1-Cor ch.15 verset 3 : « le Christ est mort pour nos péchés selon les Ecritures, il a été mis au tombeau, il est ressuscité le troisième jour selon les Ecritures, il est apparu à Céphas, puis aux Douze. Ensuite il est apparu à plus de cinq cent frères… » Quand et comment ce message devient il pertinent et crédible ? Par la pratique de la charité dans une dimension collective et communautaire…

Le critère : qu’est-ce que ça change pour mon voisin, pour le monde, que je sois chrétien ? A quoi servons-nous ? Comment être fidèles en inventant de nouvelles formes, non pas qui nous parlent à nous, mais qui parlent aux autres ? Il faut se déplacer, identifier des enjeux qui valent le coup de mettre de l’énergie.

La dimension sociale, politique avec sa visibilité institutionnelle est essentielle pour vivre la foi. Attention à la dérive libérale de « l’individuel », y compris dans sa dimension du rapport à Dieu…

Une organisation décentralisée :

Le monde est sorti des grandes idéologies. Il faut retrouver une intelligence collective, qui n’est pas unifiante mais qui respecte les particularités. L’intelligence collective se met à l’œuvre dans les réseaux, sites web, blogs, elle se nourrit de l’échange, c’est un monde sans centre…, ce qui est paradoxal pour un catholique !

L’organisation, ce n’est pas urgent, ce n’est pas possible en période instable. Ce n’est pas d‘abord une question ecclésiologique ; aujourd’hui, la vraie question, c’est un enjeu d’intelligence collective.

Cela nous force à quitter un système de communication uniquement centralisé : il va nous falloir s’habituer à un monde sans centre. Le rôle de l’évêque sera de laisser fleurir les initiatives, de faciliter les échanges entre les communautés mais pour l’instant la hiérarchie a du mal à trouver de la richesse dans le décentrage.

L’unité n’est pas un dogme c’est un horizon !

L’Evangile suscite des conflits, comment les gérer ? On ne sait pas… Comment identifier les enjeux qui valent le coup et laisser tomber les autres ?

Des expériences fondamentales à développer aujourd’hui :

  • Développer l’intériorité :
    Nous n’avons pas aujourd’hui assez d’initiation à l’intériorité (malgré l’intérêt que le monde y porte, et pour cela passe par l’Orient). 1-Cor ch.3 verset 16 : « ne savez vous pas que vous êtes un temple de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? […] Car le temple de Dieu est sacré et ce temple, c’est vous ». Ecoutez l’Esprit qui est en vous (ndlr : cf Taizé)
  • Pratiquer la charité :
    L’essentiel, c’est d’exprimer la tendresse de Dieu, c’est de pratiquer la charité (St Paul
  • Lire la Bible
    La Bible est un lieu non dogmatique, une production symbolique révélateur de sens : des hommes se laissent toucher par Dieu avec la dimension individuelle et collective (peuple de Dieu) que cela implique…
    Comment s’investir dans la lecture de la Bible pour trouver des formes d’expression du conflit et de sa résolution…
  • Prendre des initiatives :
    Il n’est plus possible d’utiliser les structures et les rites actuels, ils ne parlent plus. Comment être fidèle mais en acceptant, dans la confiance, de réinventer des choses qui parlent au monde ?
    La liturgie est un des lieux où peut se vivre l’articulation cœur-corps-Esprit.
    Un exemple : le lavement des pieds dans la communauté de l’Arche fait méditer sur le mystère de l’humanité et peut parler au monde entier.

Les enjeux de l’humanité :

Citation de JF Noubel : les grands enjeux de l’humanité ne sont pas de vaincre la misère ou la faim […] mais de trouver les organisations qui vont pouvoir résoudre ces problèmes…

Ce que l’Eglise peut dire pour résoudre les problèmes de l’humanité : elle a une force de diplomatie.

Les valeurs (chrétiennes) :

Le cardinal manifeste qu’il y a des valeurs universelles que les Evangiles expriment : mais il y a plein de piquants autour… Nous n’avons pas le monopole dans la façon de vivre ces valeurs, Gandhi aussi exprime ces valeurs.

Le paysage de la Croix vient mettre à bas toutes les sagesses. La difficulté, c’est qu’on vit sur deux théologies contradictoires : à la fois la spécificité et l’ouverture…. Etre chrétien c’est une manière d’être, ce qui implique d’accepter des différences, ce n’est surement pas d'avoir réponse à tout!