Test - White Night

«Nuit d’amour, nuit caline» , - 12 réaction(s)

Mon bureau était un cimetière. Mon cimetière. J’y avais creusé ma tombe lentement, méthodiquement, maladivement. Cela faisait longtemps que mon âme s’était noyée dans les verres de whisky bon marché que je vidais inlassablement. C’était devenu mon quotidien, la seule chose que j’étais encore capable de faire. Je n’étais qu’un cadavre d’homme au milieu de cadavres de bouteille. Puis elle est arrivée, ange d’un blond immaculé. Sa beauté semblait repousser les ténèbres de mon tombeau. Elle alluma une cigarette et son appel à l’aide jaillit de ses lèvres pulpeuses en même temps qu’une volute de fumée. « Aidez-moi à le retrouver » dit-elle d’un souffle en jetant une boite de jeu vide devant moi. Je reconnus sans mal la boite de Alone in the Dark. Une sale affaire du début des années 90 qui avait très, très mal tournée. Je ne pouvais me payer le luxe de refuser tout en sachant pertinemment que dans ce genre d’affaires, rien n’était vraiment blanc ou noir… Encore une fois dans ma vie, je me trompais lourdement…

Nuit blanche

Seul dans le noir...

J’avais beau retourner les premières pistes dans tous les sens. Éviter scrupuleusement la moindre goûte d’alcool pour garder les idées claires, il fallait me rendre à l’évidence : il n’y avait plus aucune trace d’un Alone in The Dark depuis plusieurs années. Juste quelques rumeurs d’un ersatz, un horrible pantomime, qui n’avait strictement rien à voir avec le jeu que je recherchais. J’étais à deux doigts de laisser tomber lorsqu’un indic, après deux trois uppercuts en guise de questions, lâcha un nom de sa bouche ensanglantée. Un râle. Un soupir. White Night. J’étais perplexe mais je n’avais que cela après deux semaines d’errance. A ma grande surprise, tout concordait : la date 1929, la grande dépression américaine et un pays laissé exsangue en proie à toute ses folies. Le lieu, un manoir en apparence abandonné et un homme seul, enfermé à l’intérieur avec ses propres démons. La trame était toutefois légèrement différente.

Un homme seul dont je ne connaissais ni le nom, ni l’histoire. Un homme détruit par la crise, comme moi, qui s’égare la nuit dans l’alcool et l’ambiance feutrée des clubs de jazz. Il prend sa voiture et se perd dans ses pensées, la route ne se découvrant qu’à la lumière pâle des phares. Puis une silhouette, fugace, frêle, éthérée d’une femme se dressant au milieu du bitume. Un accident inévitable qui laisse la voiture hors d’usage et un homme ayant peur pour sa vie, blessé, trouvant refuge dans un étrange manoir.

Un univers bichromatique tranché, un blanc et noir immaculé, un combat permanent entre la lumière et les ténèbres

Le début est terriblement cliché mais le jeu nous happe d’entrée grâce au charme de son parti pris artistique. Un univers bichromatique tranché, un blanc et noir immaculé, un combat permanent entre la lumière et les ténèbres. Les plans sont fixes comme dans Alone in the Dark et Resident Evil. Le manoir de White Night, celui des Vespers, se découvre morcelé, petit à petit, d’un plan à un autre au détour de halos lumineux fugaces et de la faible lumière d’un allumette éphémère.

Il faut abuser des fauteuils sous peine de perdre sa progression

La lumière est l’élément clé de White Night. Elle joue le rôle de refuge, de seul élément sécurisant dans un manoir où l’obscurité entraîne irrémédiablement vers la folie et la mort. L’homme se retrouve enfermé dans ce lieu à la recherche continuelle de sources de lumières fonctionnelles et d’allumettes. Ces allumettes qui s’épuisent très vite, éclairent peu et qui ont la fâcheuse tendance, parfois, de refuser de s’allumer. Le stress est omniprésent au fur et à mesure que son stock d’allumette s’épuise et que les ténèbres se resserrent autour de lui. Il ne cessera pourtant de s’enfoncer dans le manoir à la poursuite de ses fantômes et de l’histoire sordide de ses occupants. Blessé, l’homme se dirige lentement, de façon un peu lourde. Les spectres immobiles tapis dans l’ombre, images fugaces et troubles, ne sont rendus que plus effrayants par sa vulnérabilité. Lorsqu’un de ces fantômes l’attrape, c’est la mort assurée. La seule échappatoire est la fuite, rendue difficile par le positionnement des plans fixes et le découpage spatial des pièces. Les plans qui composent les pièces sont plus nombreux qu’à l’accoutumée. Il est primordial de sauvegarder régulièrement en utilisant certains fauteuils marqués par un soleil et disséminés dans le manoir. Heureusement, ces points sont nombreux et bien répartis.

Roman noir

Le manoir renferme de bien sombres secrets

Est ce que ce White Night est bien le Alone in the Dark que je cherchais ? Tout le laisse penser, jusqu’au rapport viscéral qu’il entretient dans ses mécaniques avec son nom. Seul dans les ténèbres. C’est bien la quintessence de ce que propose White Night jusqu’à le formaliser à l’extrême avec ce parti pris esthétique tranché. L’autre élément qui m’a saisit est l’incroyable charme qui se dégage du jeu.

Un charme calqué sur l’ambiance des romans noirs de la grande dépression, soutenu par la voix off omniprésente de l’homme. Une voix off qui se devait d’être irréprochable pour ne pas sombrer dans le ridicule, et c’est le cas. Il est encore trop rare dans le jeu vidéo de tomber sur des versions françaises de qualité avec un véritable doublage fait avec talent et avec cœur. Le travail de Jean-Christophe Lebert, acteur expérimenté, est remarquable et fait honneur à l’écriture léchée de Sébastien Renard.

On est à la limite du roman interactif

Car White Night est aussi un jeu très bien écrit où la narration occupe une place particulièrement importante. L’homme perdu dans le manoir découvrira petit à petit l’histoire de celui-ci grâce aux nombreux écrits, aux photos, aux tableaux qu’il renferme. On est à la limite du roman interactif tant ces écrits sont légion et qu’ils s’avèrent totalement nécessaires comme fil rouge indissociable de l’histoire. Une telle qualité d’écriture est tout aussi rare dans le jeu vidéo où elle est plus facilement laissée sur l’autel du gameplay en attendant son sacrifice.

Les puzzles sont simples mais intéressants

Le dernier élément qui fait de White Night un jeu unique est son ambiance sonore. Le manoir gémit, les portes claquent, la pluie ruisselle sur les volets et sur les toits, l’homme arpente les couloirs d’un pas feutré. Le manoir devient petit à petit le personnage principal du jeu. Omniprésent, menaçant, vivant, il est l’œil qui s’impose à nous par les plans fixes de ses entrailles. Un œil qui vibre légèrement et qui se trouble à la moindre apparition d’un spectre. Le sound design est excellent et les partitions de Zachary Miskin, compositeur et violoncelliste, offrent un écrin organique et crystallin à la voix jazzy de Froydis Arntzen Dale. Le charme opère, séduit, transporte jusqu’au dénouement final bien amené à défaut d’être original. La conclusion s’impose d’elle même, White Night est bel et bien le fils spirituel de Alone in the Dark. Ce qui met fin à mon enquête. Une conclusion pas si étonnante que cela lorsque l’on sait que l’instigateur du projet, Ronan Coiffec, dont je salue le travail, et une bonne partie de son équipe ont travaillé chez Eden Game sur Alone in the Dark 5.

Bilan

On a aimé :
  • Un parti pris esthétique séduisant et maîtrisé
  • Une excellente écriture
  • Un formidable environnement sonore
On n’a pas aimé :
  • Un découpage des pièces chaotique
  • Impossibilité de choisir le chapitre une fois fini
  • Les modèles des personnages un peu sommaires
Une si jolie nuit

Tendez votre main et laissez vous entraîner dans les couloirs sombres du manoir Vesper. La nuit que vous propose de vivre White Night n’est pas une de celle que l’on oublie facilement. Le charme opère, et on s’abandonne à elle corps et âme. White Night est un superbe jeu d’aventure, noir, sombre, désespéré, qui ne laisse pas indifférent et nous entraîne dans un univers ciselé d’une grande cohérence. Si vous aimez les histoires, si vous aimez les jeux qui ont une âme, qui ont du cœur alors laissez vous séduire par White Night car il n’a jamais été aussi bon de se perdre dans des ténèbres aussi poisseuses…

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White Night

PEGI 0

Genre : Aventure/Réflexion

Éditeur : Activision

Développeur : OSome

Date de sortie : 6/03/2015

Prévu sur :

Xbox One, PlayStation 4

12 reactions

kalud

27 mar 2015 @ 11:12

Il a l air vraiment bon ce jeu. Apres fait il peur par moment ? J adore la façon dont est écrit le test.

Jarel

27 mar 2015 @ 11:24

Merci ! ^^

Le jeu ne fait pas vraiment peur. Il est juste stressant mais jouit d’une incroyable atmosphère et d’une très jolie écriture. Un coup de cœur en ce qui me concerne.

kalud

27 mar 2015 @ 11:57

Merci de la précision ca me permettra de savoir a quoi m attendre quand je le prendrais.

Dan Glotka

27 mar 2015 @ 13:06

J’y est jouer sur Ps1 très bon jeu....non je rigole Jarel.

Je rejoint Kalud Le début du test demande une suite j’étais pris par l’histoire.

Sinon encore un coup de cœur un test qui m’embête un peu tellement de jeu a faire,finir,acheter.....je rajoute a ma liste.

Jarel

27 mar 2015 @ 14:13

Peut être arrivera t il dans le programme des jeux offerts. Mais bon un jeu français fait avec autant de coeur et de talent, c’est chouette de lui faire un petit peu de pub. Il le mérite !

kalud

27 mar 2015 @ 14:21

Tu as bien raison Jarel ca fait du bien un petit vent de fraicheur venant de chez nous. Si il arrive en gratuit je le prend direct mais j espère qu il aura du succès sans cela contrairement à l excellent D4.

rumgal

27 mar 2015 @ 21:52

bonjour, quelqu’un connait la durée de vie du hit ?? j’hesite énormément

merci

Jarel

27 mar 2015 @ 23:05

rumgal > on n’a aucun moyen de le savoir car le temps de jeu n’est pas comptabilisé. Quoiqu’il en soit, en ce qui me concerne je l’ai trouvé assez court -entre 5 et 6 heures- et plus si l’on souhaite récupérer tous les documents. Mais on en ressort réellement comblé.

rumgal

27 mar 2015 @ 23:39

je te remercie,je vais l’attendre en GWG je pense ou en solde

Zelpp

30 mar 2015 @ 20:28

J’étais septique avant de le prendre à sa sortie mais j’ai bien aimé finalement. Il vaut la peine de l’acheté pour encourager les dev ;)

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